Sixième semaine de Carême
Dommage, la lettre U est déjà utilisée pour désigner une chaine de magasins, essayons la, toutefois pour dire notre foi pascale : « ABAISSÉ – ÉLEVÉ».
À toi qui dois attendre avec impatience ton baptême, durant la nuit de Pâques. À toi qui accompagnes depuis 1 an, 2 ans, 3 ans, celle ou celui ou ceux qui marchent vers les sacrements d’initiation, durant la nuit de Pâques. À toi qui te prépares à proclamer la foi en Jésus ressuscité, avec toute ta communauté paroissiale, au cœur de la nuit de Pâques, permets que chaque semaine, avant cette vigile pascale 2023, je vienne, à partir d’œuvres d’art : sculpture, peinture, vitraux, t’aider, moi aussi, à préparer cette profession de foi à venir, en Jésus, Christ, le Fils de Dieu.
P. Henri IMBERT
Parabole : une antenne.
Parabole : une histoire racontée par Jésus.
Parabole : une courbe plane, symétrique par rapport à un axe. C’est peut être aujourd’hui, dans cette 6ème catéchèse que cette représentation sous la forme d’un « U » va prendre tout son sens.
« Au début, je n’ai pas compris pourquoi ce « U », m’a-t-il été rapporté. En voici, me semble-t-il, une illustration qui va te permettre de découvrir ce « U » pour dire ABAISSÉ – ÉLEVÉ.
Si je te dis CHAOURCE, le nom d’une commune du département de l’Aube, immédiatement envisages-tu son célèbre fromage A.O.P. au lait de vache, moulé à la louche ?
Mais cette même commune offre aussi à ceux qui s’intéressent au patrimoine religieux une œuvre exceptionnelle datée du XVIème siècle. 1515 exactement ; … il n’y a pas que la bataille de Marignan ! Il y a aussi la mise en place de cette sculpture : la plus belle MISE AU TOMBEAU d’Europe ( !) dit la présentation de ce chef d’œuvre au réalisme saisissant.
Que d’émotion devant ce saint sépulcre présent dans cette église paroissiale sous le vocable de Saint Jean Baptiste ! Il a été placé dans la chapelle sépulcrale des donateurs, manière pour eux de témoigner de leur confiance en leur propre salut.
Autour du gisant, allongé, étendu sur un linge, 7 personnages unis et assemblés dans une même attitude : celle de la douleur ressentie en présence du Christ mort. Tous le fixent du regard. La Vierge et Saint Jean se tiennent à la hauteur de la tête du Christ.
(Jn 19/25-27) « Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple que Jésus aimait, Jésus dit à sa mère : « Femme voici ton Fils ». Il dit ensuite au disciple : « voici ta mère » »
Les trois saintes femmes, côte à côte, s’alignent, légèrement en retrait, le long du corps du gisant.
(Mc 15/40-41) « Il y avait aussi des femmes qui regardaient à distance et parmi elles Marie de Magdala, Marie la mère de Jacques le Petit et de José et Salomé, qui le suivaient et le servaient quand il était en Galilée ».
L’une est porteuse des aromates et l’autre de la couronne d’épines.
Et les deux ensevelisseurs attendent, immobiles, avant d’accomplir les derniers gestes de leur tâche funèbre.
Nicodème vint aussi, lui qui naguère était allé trouver Jésus au cœur de la nuit
(Jn3/1-2)
« Le soir venu, arriva un homme riche d’Arimathie (remarquer la besace … diaconale ?) nommé Joseph, lui qui aussi était devenu disciple de Jésus … Prenant le corps, Joseph l’enveloppa dans un linceul propre et le déposa dans le tombeau tout neuf qu’il s’était fait creuser dans le rocher »
(Mt 27/57-60)
Dans le clair obscur de cette chapelle sépulcrale, nous voici confrontés à l’immensité de la douleur humaine et la résignation dignement acceptée, exprimée par une profonde tristesse.
Et qu’en est-il de mon « U » ? Certes, je ne l’ai pas oublié, mais je suis allé trop vite dans le grand désir qui était le mien de te mettre en présence de ce chef d’œuvre sculpté dont tu dois sentir qu’il t’invite, qu’il m’invite, qu’il nous invite à nous mettre en présence du grand mystère qu’est notre mort à venir ou la mort de ceux qui nous furent proches ainsi que de leur Au-delà. Aussi je te propose d’entrer dans cette église Saint Jean Baptiste de CHAOURCE. Entrons par la petite porte de l’ouest, sous l’orgue. Prenons l’allée latérale gauche qui va nous permettre de remonter toute la longueur de la nef. Nous arrivons devant une porte basse qui nous invite à descendre quelques marches.
Nous voici en présence de cette MISE AU TOMBEAU ci-dessus décrite. Prenons le temps du silence. Prenons le temps de la contemplation. Prenons le temps, si c’est là une attitude qui t’est familière, de la prière. « Je crois … qu’il a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli … » Les mots de la communauté chrétienne à chaque rassemblement dominical et qui seront de nouveau les mots de notre profession de foi baptismale lors de la veillée pascale. Prendre le temps …
Cette mise au tombeau peut nous faire nous souvenir de la réflexion de Marie, sœur de Lazare, entendue dimanche dernier durant la lecture de l’évangile. « Si tu avais été là, mon frère ne serait pas mort » (Jn 11/32) Point. Point final ? Si Dieu avait été là, son Fils aurait-il pu ne pas mourir ? Une œuvre exceptionnelle sur le plan artistique, mais sans espoir sur ce qu’elle nous propose ? Non ! Non car sur le côté droit, dans cette crypte obscure, quelques marches et une autre porte.
Mais avant, marquons un temps d’arrêt. Levons les yeux vers notre droite et remarquons la fresque ici présente. Un jardin – un arbre – une femme, genoux fléchis – un homme avec une bêche. Tous les éléments sont là pour illustrer la rencontre de Jésus avec Marie Madeleine, qu’elle prend, dans un premier temps pour le jardinier. « Femme pourquoi pleures-tu ? » – « Marie » – « Rabbouni » – « Va trouver mes frères … » – « J’ai vu le Seigneur ». (Jn 20/13-18)
Montons ces marches. Nous voici dans le chœur de l’église, tout à proximité de l’autel, là même où, à chaque eucharistie nous affirmons : « nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ».
ABAISSÉ– ÉLEVÉ. C’est ce que nous professons du Christ : « Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’Homme souffre beaucoup, qu’Il soit rejeté par les Anciens, les Grands Prêtres et les Scribes, qu’Il soit mis à mort et que trois jours après, Il ressuscite ». (Mc 8/31) Ce Fils a bien été abaissé par les hommes, mais voici qu’au matin de Pâques, le Père l’a levé afin qu’il retrouve la place qui est la sienne, à sa droite, de toute éternité.
En même temps, de par la réalisation, grâce aux donateurs, de cette œuvre, voici que notre itinéraire, à nous aussi, vient de nous faire vivre ce même ABAISSÉ – ÉLEVÉ. Descente puis remontée mais pour un autre passage : notre Pâques. Démarche symbolique qui nous associe au passage accompli par le Christ, de sa vie terrestre à la gloire, par la croix sur laquelle il a été élevé.
Démarche symbolique comme se le sera pour le baptême de la veillée pascale dans quelques heures. Descente dans la piscine baptismale pour une immersion, puis remontée pour se laisser emplir du souffle de vie, l’Esprit. Nouvelle naissance : passage de l’eau au souffle, à l’égal du Fils qui au jour de son propre baptême est descendu dans l’eau, et, insiste le récit évangélique, est remonté de l’eau, tandis que l’Esprit descendait sur Lui sous la forme d’une colombe et que la voix du Père se faisait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien aimé ». C’est bien ce grand « U » que nous venons de vivre : ABAISSÉ – ÉLEVÉ.
Texte : Père Henri Imbert pour le diocèse de Meaux