Quatrième semaine de Carême
Dommage, la lettre U est déjà utilisée pour désigner une chaine de magasins, essayons la, toutefois pour dire notre foi pascale : « ABAISSÉ – ÉLEVÉ».
À toi qui dois attendre avec impatience ton baptême, durant la nuit de Pâques. À toi qui accompagnes depuis 1 an, 2 ans, 3 ans, celle ou celui ou ceux qui marchent vers les sacrements d’initiation, durant la nuit de Pâques. À toi qui te prépares à proclamer la foi en Jésus ressuscité, avec toute ta communauté paroissiale, au cœur de la nuit de Pâques, permets que chaque semaine, avant cette vigile pascale 2023, je vienne, à partir d’œuvres d’art : sculpture, peinture, vitraux, t’aider, moi aussi, à préparer cette profession de foi à venir, en Jésus, Christ, le Fils de Dieu.
P. Henri IMBERT
Si tu as suivi cette catéchèse (4ème rédaction) en vue d’aller vers la veillée pascale, avec comme aide-mémoire la lettre « U », courbe plane, symétrique par rapport à un axe, accepte que je te propose d’avoir bien à l’esprit ce sigle, car c’est bien lui qui va nous permettre de lire le vitrail ci-dessous : ABAISSÉ – ÉLEVÉ ; c’est là l’itinéraire proposé pour la découverte – passionnante – de ce vitrail de la Passion, présente dans la Cathédrale Notre Dame de CHARTRES, bas côté nord. Mes photos ont quelques années, ce vitrail vient d’être restauré, à moi de trouver une après midi pour refaire une prise de vue. Mais ce que je te propose reste lisible.
Difficile à lire ? Oui ! Mais comme pour le vitrail de SENS, la semaine dernière, le téléobjectif va nous inviter à nous approcher. Ce que l’on peut voir pour l’instant, ce sont 4 quadrilobes, dont chaque centre est un carré.
Et c’est dans chacun de ces carrés que sont représentés les événements de la passion du Christ :
Remarque bien, comme je te l’annonçais, la ligne descendante de ce vitrail. Le théologien a fait le choix de 4 événements vécus par Jésus, et nous invite à le suivre dans sa descente au plus bas, qui aboutit à la mise au tombeau. C’est la première partie de notre « U » : « ABAISSÉ ». Une ligne centrale et 4 scènes qui n’offrent aucun signe d’espérance.
Telle est l’audace du théologien qui a proposé au maitre verrier la réalisation de ce discours : dire la mort dans sa brutalité. Nous voici invités à descendre, en présence de cette illustration. De scène en scène, il y a comme une insistance sur la souffrance et la passion du Christ, jusqu’à la mort. Mais ce vitrail serait-il là, dans cette cathédrale, sans nous donner des indices concernant le salut des hommes, et le sens de la mort du Christ ?
Je n’oublie pas mon « U » Il doit bien y avoir possibilité de découvrir le « ÉLEVÉ», après avoir vu si fortement affirmé le « ABAISSÉ » ?
Ce vitrail se veut pédagogique : il va nous inviter à une relecture de foi devant l’abaissement du Christ. Et la Bonne Nouvelle dont il est porteur, c’est l’Ancien Testament qui va nous la proposer. La mort du Christ est ici mise en parallèle avec de grandes scènes de l’histoire du peuple hébreu. L’affirmation de la mort est certes attestée. Mais les « commentaires » qui entourent l’un ou l’autre de ces carrés nous invitent à intensifier la certitude qui est la nôtre, proclamée durant la veillée pascale, de la victoire de la vie sur la mort.
Dans la place qui m’est impartie, ici, il n’est pas possible de tout dire, à partir de toutes ces images : 28. Aussi j’ai choisi 3 « commentaires ». Et à chaque scène, je te donnerai les références de l’Ancien Testament pour que tu puisses découvrir comment, au XIII° siècle, nos Pères dans la foi recevaient l’enseignement biblique en vue de découvrir que la mort du Christ débouchera sur la résurrection.
A gauche de la mise au tombeau de Jésus, voici Samson, investi d’une mission de salut.
Les habitants de Gaza veulent le tuer, au petit matin, mais lui se lève au milieu de la nuit, saisit les battants des portes de la ville, et les place sur ses épaules, les transportant jusqu’au sommet de la montagne (Juges 16/1-3). Voici ces portes posées en forme de croix sur Samson. Des portes qui n’ont pas tenues enfermées Samson, ainsi épargné par la mort. Elles sont ici le signe de la victoire sur la mort. Ceci, n’oublions pas, placé à côté de la mise au tombeau du Christ.
Juste au dessus de la mise au tombeau, à droite, le prophète Elie arrive au moment où une veuve partait pour aller ramasser deux morceaux de bois.
« Nous mangerons et nous mourrons » dit-elle pour elle-même et pour son fils. Mais la promesse du prophète c’est que la vie l’emportera sur la mort : « cruche de farine ne se videra, jarre d’huile ne se désemplira » (1 Rois 17/8-15). A remarquer les 2 bouts de bois portés par la femme de Sarepta : ils nous sont bien présentés en forme de croix !
Et à gauche de la descente de croix, voici Isaac, fils d’Abraham. Il porte lui-même le bois de son sacrifice, posé en forme de croix sur ses épaules. (Genèse 22/1-19)
Abraham, le père, tient le feu et le glaive sacrificateur, mais il tourne son regard vers l’enfant, son unique, un regard chargé de dire la confiance : « Dieu saura voir l’agneau pour l’holocauste, mon fils ! » C’est pour le père et le fils l’épreuve extrême de la foi, et ceci tout à côté de la descente de croix. Nous savons la suite, le fils sera épargné, un bélier, à sa place, sera sacrifié. C’est l’apôtre Paul, dans l’épitre aux Hébreux, qui montre comment le drame d’Abraham est une épreuve de la foi en la résurrection : « par la foi, Abraham, mis à l’épreuve, a offert Isaac, et c’est son fils unique qu’il a offert en sacrifice » (Hébreux 11/17-19) 2 bouts de bois dans ces 3 scènes tirées de l’Ancien Testament. Ils auraient pu servir au sacrifice, les voici à l’origine d’une scène qui nous annonce que la vie l’a emporté. Et les 2 bouts de bois sur lesquels Jésus a été élevé, savons-nous les voir comme lieu par lequel Il nous donne sa vie ?
Sur la même ligne que celle qui illustre Elie et la veuve de Sarepta, mais à gauche, voici le disciple d’Elie. Nous sommes à proximité de la mise au tombeau. (2 Rois 4/32-37) Comme les personnes près de Jésus lors de la mise au tombeau, Elisée s’incline pour ressusciter l’enfant de la Shunamite.
Le prophète va épouser parfaitement le corps de l’enfant, s’allongeant sur lui. Il va le réchauffer et l’enfant reprendra souffle, le manifestant par ses éternuements. Aussi sera-t-il rendu, vivant à sa mère. Une scène pour nous rappeler que Jésus a pris parfaitement notre nature humaine, et qu’au matin de Pâques, il a repris souffle donc vie. Il y a de la résurrection, déjà, dans l’Ancien Testament !
Quel regret que d’être obligé de me restreindre dans la lecture de ce vitrail. Allez, une scène encore, qui va peut être t’évoquer une image déjà vue, sans trop savoir ce qu’elle peut signifier. Sous le Christ en croix, il est un petit personnage, à genoux, portant un calice.
C’est Adam, qui recueille le sang qui s’écoule du Crucifié : « si par la faute d’un seul, la multitude a subi la mort, à plus forte raison, la grâce de Dieu, grâce accordée en un seul homme, Jésus Christ, s’est-elle répandue en abondance sur la multitude » (Romains 5/12-21). Ici, pas de référence à l’Ancien Testament, mais une méditation de la part de l’apôtre Paul sur le sens de la mort du Christ. Par le péché d’un seul, la mort est entrée dans le monde ; par le don d’un seul, le Christ, la vie est offerte à la multitude. Rappelle-toi le vitrail du Bon Samaritain, la semaine dernière. Adam avait été chassé du Paradis, mais près de la croix du Christ, l’ange range dans son fourreau, l’épée avec laquelle il avait chassé Adam. Le châtiment est dépassé, l’homme peut renouer le dialogue avec son Créateur.
Cette image d’Adam sous la croix t’évoque peut être l’un ou l’autre crucifix que tu as pu voir, où, sous le Christ pendu à la croix, se trouvent 2 os entrecroisés. Des fémurs ? Allusion à Adam : la tradition dit qu’il fut enterré sur le lieu du crâne, le Golgotha et qu’il bénéficie ainsi du sang du Christ « versé pour la multitude en rémission des péchés ». (Prière eucharistique)
Je reviens à mon « U », ligne descendante. Dire l’abaissement du Christ « ABAISSÉ ». Et de chaque côté de cette ligne, une lecture de scènes majeures de l’Ancien Testament : autant d’événements qui annoncent que déjà la vie, avant même le Christ, l’avait emporté sur la mort : ligne ascendante « ÉLEVÉ ». Oui, ce « U » est bien parabole pour nous dire la mort – la vie, le cœur de notre foi baptismale proclamée durant la veillée pascale.
Nous avions fini notre 2ème catéchèse avec la présentation d’un animal fabuleux, le phénix. Ici, finissons encore par la présentation d’un autre animal :
Un pélican ! Placé sous la descente de croix !
Avec la figure du pélican, l’artiste nous fait entrer dans le rayonnement de la résurrection. Comme dit un théologien du Moyen Age : « le 3ème jour, le pélican se lacère lui-même de douleur, et le sang qui coule de son côté, sur ses petits les réveille de la mort ». Le pélican désigne le Seigneur, qui a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, l’a réveillé le 3ème jour, vainqueur de la mort, et l’a exalté au dessus de tout nom. Le pélican qui sait aller chercher en lui-même de quoi nourrir ses petits.
Cela ne nous ouvre-t-il pas au sens de l’eucharistie ?
Texte : Père Henri Imbert pour le diocèse de Meaux