Abbé Maurice Rondeau

Educateur, prêtre, martyr

(1911 – 1945)

Le 20 juin 2025, le dicastère pour les Causes des Saints a publié un décret signé du Pape Léon XIV reconnaissant le martyre de 50 jeunes catholiques français, jocistes, scouts, religieux, prêtres, victimes du régime nazi, en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale. Âgés de 19 à 46 ans, ils ont été arrêtés, déportés et sont morts en raison de leur attachement au Christ, à la foi catholique et à l’Eglise : ils sont « martyrs de l’apostolat ». N’oublions pas le décret Kaltenbrunner du 3 décembre 1943 qui avait interdit toute activité apostolique auprès des travailleurs civils français en Allemagne.

Après la guerre, ces nombreux martyrs, dont fait également partie Marcel Callo, béatifié le 4 octobre 1987, tombent dans l’oubli. Il est temps aujourd’hui de reconnaître leur héroïsme et leur témoignage de vie chrétienne dans des conditions particulièrement difficiles : « Il faut que les Églises locales fassent tout leur possible pour ne pas laisser perdre la mémoire de ceux qui ont subi le martyre, en rassemblant à cette intention la documentation nécessaire. » (Jean-Paul II, Tertio millennio adveniente, 10 novembre 1994, n°37)

Parmi ces 50 figure l’abbé Maurice Rondeau, prêtre du diocèse de Meaux, que Mgr Louis Cornet, évêque de Meaux, a choisi en 1989 pour titulaire du collège-lycée nouvellement créé à Bussy-Saint-Georges.

 

[1] https://www.causesanti.va/it/santi-e-beati/cayre-cendrier-vallee-mestre-e-46-compagni.html

Père Maurice Rondeau avec les collégiens dans le parc de Sainte Marie. crédit diocèse de Meaux

Avec les jeunes

Excellent éducateur, Maurice Rondeau écrit dans ses carnets spirituels [1]: « M’appliquer à voir en l’âme de chacun des enfants qui me seront confiés, ce mieux-être de grâce et de foi. M’appliquer pour cela à les connaître et à trouver en chacun, ce en quoi il est le reflet de la beauté divine, la vertu que la grâce épanouit ou tend à épanouir en lui. Cette contemplation me sera d’un grand profit et m’aidera à leur faire plus de bien. Les connaître, louer Dieu de leurs vertus, essayer de développer ces vertus et de les corriger de leurs défauts contraires ; les respecter, (familiarités, jeux), manière de leur parler. » (Août 1936)

« Chacun d’entre nous à sa vocation propre, son rôle à jouer dans la création, où personne ne pourra le remplacer ! Le monde serait bientôt changé si tout être humain était convaincu qu’il joue un rôle unique dans la grande scène de la vie, qu’il est une note indispensable dans le concert de la création, que s’il néglige de répondre à l’appel qu’il a personnellement reçu, il y aura un vide, un trou, là où devait figurer son action. »

Etudiant à l’ICP, il emmène les jeunes en colonie de vacances à Gillorgues (Aveyron). Dans ses journées bien remplies, il fera de sa fidélité à l’oraison, au bréviaire, à la messe quotidienne un combat qui sera la source de la fécondité de son apostolat. Professeur, surveillant ou directeur de colonie, nombreux sont les jeunes qui viennent spontanément vers lui, dès qu’il ouvre la porte de son bureau.

 

[1] Archives diocésaines de Meaux, BDGB, boite n°1, 62 Rondeau

Père Maurice Rondeau. crédit diocèse de Meaux

Vers le sacerdoce

Maurice est né le 28 août 1911 à Neuvy (Marne), près d’Esternay, au foyer d’Henri, cultivateur, et de Blanche Houdry. Ses premières années se passent dans la ferme familiale à Saint-Grégoire, avec sa sœur, Madeleine. Il a trois ans lorsque son père tombe au Champ d’Honneur le 2 février 1915. Sa mère s’installe alors à Rebais (77).

De 1924 à 1928, il étudie au Petit Séminaire Sainte-Marie de Meaux, où il est bon élève. Il rejoint le Grand Séminaire de Meaux (actuel Lycée Jean Rose). Trop jeune pour avancer dans les études vers le sacerdoce, il est nommé professeur de 6e au Petit Séminaire de 1930 à 1932, puis part au service militaire, et rejoint le séminaire d’Issy-les-Moulineaux de 1933 à 1936.

Il est ordonné prêtre à Meaux le 29 juin 1936, et nommé professeur en 5e au Petit Séminaire, jusqu’en 1938 où il part étudier à l’Institut Catholique de Paris.

 

 

PMR credit diocèse de Meaux

Mobilisé et prisonnier

P Maurice Rondeau crédit diocèse de Meaux

Ouvrier à Aix-la-Chapelle

Il arrive fin août 1943 à Aix-la-Chapelle et rejoint la verrerie de Stolberg, appartenant à la compagnie française de Saint-Gobain, dont le siège et les bureaux sont à Aix même. Il est reçu par le directeur, M. Lambertz, fervent catholique, qui lui dit : « Vous êtes prêtre ; vous avez à faire autre chose de plus important que le travail ici ; vous avez toute latitude pour cela ». Avec l’aide de Lucien Quintin, il déploie sur tous les camps STO alentour une mission et une organisation d’Action catholique qui propose aux jeunes : messe, prière, formation, rencontres. Parallèlement, il met en place un réseau d’évasion par la Belgique vers la France.

Dénoncé, il est arrêté à Aix-la-Chapelle le 7 août 1944, et emmené à Brauweiler, près de Cologne. 61 autres militants de l’Action Catholique sont également arrêtés en Allemagne pour leur activité missionnaire. Transféré à Buchenwald, un de ses compagnons témoignera de ce trajet effectué dans des conditions difficiles : « Toujours d’humeur égale, sans jamais un mot contre nos gardiens ».

P Maurice Rondeau credit diocèse de Meaux

Il a 28 ans lorsque la guerre éclate. Mobilisé, sergent au 7ème RI, en Lorraine, en mai 1940, il se bat avec un grand courage à Félicy (Belgique) et reçoit la croix de guerre avec une citation à l’ordre de la brigade. Fait prisonnier en juin 1940, il rejoint le STALAG VI G, près de Bonn où il est entièrement donné dans son rôle de prêtre : disponibilité, confessions, messe, communions, conférences, prière, mais aussi soutien, réconfort, vie de camp. Il crée un journal du camp « L’Echo de Hardthöhe » qui lui vaudra un prix décerné par l’Académie française.

Lorsque le Cardinal Suhard, par l’intermédiaire de l’aumônerie de l’abbé Rodhain, fait appel aux prêtres prisonniers pour se « transformer » en ouvriers et rejoindre les jeunes Français réquisitionnés par le STO et livrés à eux-mêmes, Maurice Rondeau se porte volontaire : « En portant aux jeunes qui viennent aujourd’hui un appui moral et un secours religieux, je crois répondre à un appel supérieur du devoir ».

Père Maurice Rondeau crédit diocèse de Meaux

A Buchenwald

Il arrive au camp le 17 septembre 1944, où la scarlatine lui vaut un séjour à l’infirmerie. Guéri, il participe aux travaux forcés avec le block 10. Lever à 4h, travail jusqu’à 18h30, avec seulement un litre de soupe de légumes par jour le soir. Les conditions de vie l’hiver sont particulièrement éprouvantes. Il s’arrange pour ne pas partir au camp des prêtres à Dachau, moins dur. Fin janvier 1945, il voit la mort de près. Le cœur est touché. Guéri, il reprend le travail.

A l’approche de l’armée américaine, le camp est évacué le 7 avril 1945. Commence alors une marche de la mort, insensée, sans manger, sans dormir. Maurice Rondeau réconforte, donne la communion pour soutenir ses compagnons, l’absolution à ceux qui tombent le long du chemin, achevés rapidement par un SS. Sur les 5000 détenus, seuls 600 survivront.

A Dieu

Le 23 avril, Maurice Rondeau arrive avec ses proches compagnons survivants à Roding, à 6 km de Cham (en Bavière). Il les conduit chez le prêtre qui partage avec eux son maigre repas. Le soir même, il est transporté à l’hôpital civil de Cham. Ses poumons sont mortellement atteints. Voyant qu’il est prêtre, l’hôpital le transfère au couvent des Rédemptoristes, situé en face. Il est veillé trois nuits par l’abbé Valentin Grillon-Couturier, prêtre prisonnier qui y travaille, puis rapatrié à l’hôpital. Maurice Rondeau reçoit le 2 mai le sacrement des malades, et s’éteint doucement le jeudi 3 mai 1945 à 8h.

Inhumé le 5 mai dans le cimetière de Cham, son corps sera transféré dans l’ancien cimetière de Meaux, dans le caveau des prêtres, le 11 octobre 1949.

Son testament spirituel est rapporté à Mgr Debray par l’abbé Grillon-Couturier qui l’a veillé dans ses derniers jours :

« Dites à mon évêque ceci : “ J’ai une expérience formidable en mains, celle de mon ministère en Allemagne, soit au camp de concentration, soit avant mon entrée en camp de concentration. Cette expérience suppose un don total de soi et l’exige. La réforme du clergé de France est à entreprendre et le diocèse de Meaux doit commencer. Je reste tout soumis à la hiérarchie catholique.” »

 

 

Conclusion

La reconnaissance du martyre des 50 ouvre à Maurice Rondeau la voie de la béatification dans les mois prochains. Ce jeune prêtre de 33 ans a laissé partout où il est passé un témoignage exemplaire de foi, de don de soi et de fidélité à l’Evangile jusqu’à l’héroïsme, de charité fraternelle et de bienveillance. Mort victime de la persécution nazie directement dirigée contre toute forme d’action catholique, contre le clergé qui empêchait l’idéologie funeste de se déployer dans la jeunesse française, son exemple est semence d’enthousiasme et de sainteté pour les jeunes chrétiens d’aujourd’hui !

« Vous auriez eu un saint, Monseigneur, dans votre diocèse…

Vous aurez pour votre diocèse, maintenant, un saint protecteur, prêtre-martyr. »

(Abbé Valentin Grillon-Couturier, courrier à Mgr Debray, 15 juin 1945)

 

Bibliothèque diocésaine Guillaume Briçonnet

8 juillet 2025

Bibliographie

Charles MOLETTE, « En haine de l’Evangile », Fayard, 1993

Jean-Baptiste MOLIN, « Maurice Rondeau, prêtre de Meaux, martyr à Buchenwald », RHABPM n°43, 1992, p.73-88

Etienne DECHÂGE (Chanoine Georges BARDET), Itinéraires : Cadre pour une amitié.

 

Sources

René TAROUX, La Croix de Seine-et-Marne, 19 mai 1946, et 12-26 novembre 1950

Semaine religieuse du Diocèse de Meaux (1945, p.47) et années anniversaires suivantes.

Madame WETSON (sa cousine), « Maurice Rondeau » et « Une noble figure, Maurice Rondeau, prêtre »

Carnets spirituels, copie de Jean-Baptiste MOLIN, Archives diocésaines de Meaux, BDGB boite n°1, 8.62 Rondeau